Asprières
Chatel-Guyon
Echassières
Margabal
Millau
Saint-Salvy
Trepca
La Vidale






LE GISEMENT DE KAOLIN D'ECHASSIERES


Situation géographique, géologie régionale et historique du gisement


L’exploitation de kaolin de Beauvoir se situe à environ 50 km au Nord de Clermont-Ferrand non loin du village d’Echassières dans le département de l’Allier.
Le gisement se situe prés du sillon houiller connu pour ses nombreux gisements de charbon dans le département de l’Allier (Commentry, Saint-Eloy..) et du Puy-de-Dôme (Messeix, Brassac).
Le site d’Echassières est remarquable par sa richesse minéralogique ainsi que par le contexte géologique complexe du gisement. Si la génèse de la kaolinite est connue, l’origine de certaines minéralisations comme la wolframite est moins évidente.

La société des kaolins de Beauvoir (SKB) exploite le kaolin depuis 1894. Quatre anciennes autres sociétés s’intéressaient au gisement (kaolins James) mais seule la SKB a résisté à la concurrence.
Depuis 10 ans, cette société a atteint un stade industriel grâce au rachat par COFRAMINE (filiale du BRGM). C’est actuellement la société australienne Normandie Poseïdon qui investit dans ce secteur.


Généralités

D’après les données de la pétrologie expérimentale, le complexe d’Echassières regroupe deux granites:
- le granite des Colettes
- le granite de Beauvoir
Ce gisement se situe dans la série cristallophilienne inverse de la Sioule, série métamorphique constituée de migmatites, de gneiss, de schistes et surtout de micaschistes au niveau de la carrière de Beauvoir.

 


Vue générale de la carrière d'Echassières
Ces derniers forment au maximum une couverture micaschisteuse de 97 m d’épaisseur.
A la fin de l’ère primaire, l’intrusion d’un batholite granitique (le granite des Colettes) provoque un métamorphisme de contact à andalousite et cordiérite dans des micaschistes déjà affectés par un métamorphisme régional à deux micas, staurotide et sillimanite. Ce granite a été recoupé par le granite de Beauvoir.


Ces intrusions semblent être antéviséennes ! L’âge du granite des Colettes a été estimé à 305 millions d’années +/- 4 millions grâce à la méthode de datation rubidium/strontium appliquée sur des lépidolites.
Le granite de Beauvoir est du point de vue métallogénique le plus intéréssant puisqu’il présente trois faciès montrant un enrichissement en terres rares.

Description du complexe granitique.


Le granite des Colettes

C’est un granite porphyroide à deux micas peu altéré, compact, d’environ 15km², dont la composition minéralogique se distingue par la présence de cordiérite ; sa couleur rosée est due à une importante teneur en fer.
Ce granite est non spécialisé donc peu évolué !
L’étude des inclusions fluides dans les quartz ont permis d’établir une profondeur de mise en place de 5 à 6 km

Le granite de Beauvoir

Riche en albite, en lépidolite et en topaze, le granite de Beauvoir est un granite hololeucocrate en raison de son absence de biotite.
Son extension est d’environ 15 hectares et sa profondeur de mise en place est estimée à 3 kilomètres.
Sa richesse en Lithium, Nobium et Tantale se concrétise par l’apparition de colombo-tantalite et de lépidolite. Cette lame granitique est constituée de 3 unités superposées. Cette évolution est caractéristique de l’obtention d’un granite spécialisé.

Un granite spécialisé est un granite ayant subit une cristallisation fractionnée poussée. C’est à dire que les éléments incompatibles tels que Li, F, Sn se concentrent dans la phase liquide. Cette dernière va cristalliser pour donner un granite évolué enrichi en lépidolite (Li), apatite (F), cassitérite (Sn).

Dans un triangle quartz, albite, orthose, on remarque que lorsque le fluor et le lithium cristallisent dans les topazes et les lépidolites, la composition chimique du granite évolue vers le pôle albite. La cristallisation fractionnée se fait lors d’une baisse de température.



Cette différenciation magmatique a été confirmée lors de la réalisation du sondage de 900m (Echassières 1), partie du programme «Géologie Profonde de la France». Il a mis en évidence que l’enrichissement en éléments lithophiles (F, Li, Be) s’est fait vers le haut de la coupole granitique.

Dans les micaschistes, on note une zonalité chimique matérialisée par un apprauvrissement en Lithium et Fluor lorsqu’on s’éloigne du batholite ! Ces micaschistes ont subi par ailleurs un hydrothermalisme polyphasé sous forme de veines et d’ imprégnations en As, Li, F, Rb.

Constitution du gisement de Kaolin d’Echassières

Ce gisement s’est constitué par altération du complexe granitique. Cette altération se traduit par deux phénomènes importants :

- La greisenisation
- La kaolinisation

Ces deux processus, couplés à la composition même des granites, font que le site d’Echassières est exploitable ; la kaolinisation entrainant la formation de kaolin et la greisenisation favorisant le développement de cassitérite.

La greisenisation

La greisenisation est le résultat de la silicification d’un granite par l’action de fluides pneumatolithiques intervenant juste après la mise en place du granite.
La roche obtenue est un greisen ; d’éthymologie saxonne, grey stein (pierre grise), c’est une roche composée de quartz et de muscovite (qui diffère du granite par l’absence de feldspaths).

Pour arriver à ce résultat, il faut envisager une hydrolyse des feldspaths, en particulier l’albite : en considérant les réactions suivantes :

3 KAlSi3O8 + 2H+aq <= KAl3Si3O10(OH)2 + 6 SiO2 + 2 K+aq
Feldspath potassique => muscovite

3 NaAlSi3O8 + 2H+aq <= NaAl3Si3O10(OH)2 + 6 SiO2 + 2 Na+aq
Albite => Mica sodique

En conclusion :


Albite + H+ + K+ => Muscovite + SiO2 + Na+
<=


Il y a donc lessivage des alcalins, en particulier le Sodium. Il faut donc introduire dans le système un fluide qui intervient dans le gisement par le biais de fractures induites par une augmentation de la pression de fluide.

On constate donc un système de fractures parallèles entre elles qui sont remplies de quartz avec à leur épontes, des greisens.

Grâce aux inclusions fluides étudiées dans les quartz qui «fossilisent» le fluide responsable de l’altération, on en déduit la composition du fluide ainsi que sa température. Il en résulte que le fluide de départ est moins agressif ; il est en équilibre avec le feldspath potassique et l’albite puis il devient de plus en plus acide au fur et à mesure de la circulation pour se trouver en équilibre avec la muscovite potassique et la muscovite Sodique.
La température est estimée à 400°C pour un pH d’acidité 3,5 / 5.


La kaolinisation

Le gisement d’Echasssières est exploité avant tout pour le kaolin ; le kaolin étant un terme industriel, on parlera plus rigoureusement de kaolinite (Si4O10Al2(OH)8)

La kaolinite est un phyllosilicate caractérisé par sa couleur blanchâtre et sa structure en feuillet.
On distingue 2 modes de formation de la kaolinite :

La dissolution incongruente où l’on passe successivement du stade feldspath potassique, muscovite puis kaolinite. C’est une hydrolyse.

La dissolution congruente où le fluide formé à partir des feldspaths potassiques contient les différents éléments nécessaires à la fabrication de la kaolinite.

Toutefois, pour se former, la kaolinite doit faire face à certaines contraintes chimiques :

- Sa formation dépend de la proportion stoechiométrique en Si et Al
- Si Al=Si, la kaolinite précipite rapidement
- Si la silice est en excès, il se forme de la silice cryptocristalline puis de la kaolinite lorsque les conditions atteignent l’équilibre chimique.
- Si l’Al est en excès, la gibbsite se forme pour laisser la place à l’équilibre à la kaolinite.
- Le second obstacle réside en la présence d’alcalins (Na et K). ces derniers proviennent de la dissolution du feldspath potassique et gènent la précipitation de la kaolinite. Il faut donc envisager des fluides importants et renouvellés pour pouvoir éliminer les alcalins au fur et à mesure de la kaolinisation.

Il en résulte que pour obtenir un gisement de kaolinite, il faut une solution à pH acide et un drainage de la solution minéralisatrice. La teneur en kaolinite de la roche est régie par la proportion de feldspath ; cette dernière est d’environ 40% pour le gisement d’Echassières.

La kaolinisation n’est en tout cas pas homogène.
Dans la carrière exploitée par la SKB, on voit à l’affleurement le granite des Colettes qui est très kaolinisé en raison de l’homogéneité du granite de départ alors que le granite de Beauvoir est soumis à une altération plus irrégulière induite par la présence de filons de greisens qui résistent mieux à l’altération.
Hormis ces constatations faites sur la partie visible du gisement, on a découvert que la zone kaolinisée s’enracine le long de filons de quartz jusqu’à une profondeur limite de 50m et que certaines parties du gisement ne sont pas kaolinisées. C’est le cas des filons de greisens et de certaines zones de granite de Beauvoir, le stone.

Les conditions de genèse de la kaolinite dans un environnement supergène est de 25°C alors que la kaolinite d’origine hydrothermale, voire pneumatolytique, est de 200°C. Ceci permet de supposer 2 modes de formation de la kaolinite dont une par l’action de l’eau météorique qui est tout à fait envisageable sous nos lattitudes.
L’hétérogénéité du gisement laisse à penser que les deux phénomènes se superposent. Dans un premier temps, l’intervention des fluides pneumatolytiques préfabriquent la kaolinite et ensuite, l’action de l’eau météorique achève le processus. En effet, si l’on ne considére que les fluides pneumatolytiques, le gisement ne serait pas si étendu. La kaolinisation n’aurait affecté que les épontes des filons drainants. Il faut donc un processus supergène sur un matériel déjà fortement altéré pour obtenir un tel gisement.
Vu les conditions de formation de la kaolinite, le paléoclimat devait être subtropical mais un début de kaolinisation peut s’obtenir sous nos climats au bout de 5 ans (si les conditions précédentes sont requises). L’âge de la kaolinisation n’est pas connue.

L’énigme d’Echassières

Dans la zone sud de la carrière, au niveau de la couverture micaschisteuse qui borde le granite de Beauvoir, l’ancien site des montmins témoigne de l’exploitation de filonnets de quartz à wolframite. Ces minéralisations sont recoupées par le granite des Colettes et celui de Beauvoir, ce qui implique que le wolfram est antérieur aux 2 granites et que sa source est à rechercher dans un troisième granite.
Le granite de la Bosse, non affleurant, serait à l’origine de ces minéralisations. Cette hypothèse a failli être confirmée par la campagne de sondage profond de la France mis en oeuvre depuis 1983.
L’étude de l’évolution géochimique et métallogénique de l’apex granitique d’Echassières était l’un des onze projets retenus dans le programme GPF.
D’une longueur prévue de 1000m, le sondage n’a finalement mesuré que 900m faute de crédits et n’a servi qu’à prouver le contact franc entre le granite des Colettes et le granite de Beauvoir.

Minéralogie du gisement.

La liste des minéraux citée ci-dessous n’est que le reflet des trouvailles de ces cinq dernières années. Elle sera donc sommaire et incomplète surtout en ce qui concerne les micro-minéraux.

Le quartz Fumé.

Les principales minéralisations observables dans le gisement sont des quartz. De teintes variées, c’est toutefois le quartz fumé qui est le plus recherché. Les cristaux que l’on peut trouver actuellement atteignent rarement plus de 3 centimètres.
Ils ne sont constitués que de la pyramide, mais certains cristaux sont plus développés et présentent un prisme constitué de multiples pyramides.

En ce qui concerne leur éclat, les quartz sont souvent recouverts d’oxydes assez récalcitrants aux acides légers. Certaines pièces sont en plus recouvertes d’une argile indurée, la gorcéixite, argile rare uniquement pour le géologue. les filons présentant des minéralisations sont le plus souvent remplis d’une argile rougeâtre caractéristique.
Certains filons sont bréchifiés ; de ce fait aucun échantillon ne peut être extrait , on ne trouve que des pyramides isolées dans l’argile.
La teinte des quartz dépend du degré d’irradiation qu’ils ont subi ; la teinte fumée s’explique par un remplacement des atomes de Si par Al, en commençant par les arètes. Ceci peut arriver au stade morion.


Quartz hématoïde.

Une découverte assez récente a mis à jour des quartz hématoïdes de quelques centimètres ,assez trapus et associés au lépidolite et à la cassitérite. Les quartz ont tous un prisme bien développé avec une teinte rouge fantôme. Cette dernière provient de la transformation des oxydes de fer tels que l’hématite ou la goethite qui sont omniprésents dans le gisement. Certains flottants biterminés (cassés puis recristallisés) peuvent atteindre 5 cm.



Turquoise et autres minéraux secondaires.

Un filon quartzeux a livré des nodules de turquoise amorphe allant jusqu’à 20cm de diamètre, associés à la cassitérite ou à la wolframite dans les parties caverneuses. D’autres produits d’altérations se rencontrent fréquemment sans être pour autant intéressant (malachite, pyromorphite, plumbogummite...)

Certains filons de quartz à structure caverneuse sont remplis d’argile et montrent des structures géométriques caractéristiques d’anciens cristaux de fluorine. Ce sont des traces de dissolution fréquentes dans le gisement .
Tout les filons visibles dans le granite altéré sont à suivre dans le micaschiste du toit mais la puissance des filons diminue vers le haut de l’apex granitique. La seule minéralisation intéressante récoltée dans les micaschistes hydrothermalisés sont des hémimorphites aciculaires mesurant jusqu’à 1.5 cm, en gerbe sur des quartz fumés de petite taille. L’hémimorphite est de couleur crème et peu transparente. Elle traduit tout comme les autres minéralisations secondaires un polyphasage des minéralisations.
De la scheelite a également été trouvée dans les niveaux inférieurs de la carrière.

Cassitérite et wolframite.

Ces deux minéraux sont fréquents dans des gisements liés aux granites. Le granite de Beauvoir est un granite d’origine crustale et pourtant il n’a pas engendré de minéralisations importantes en W et Sn ce qui est pourtant habituel pour les granites spécialisés.

On constate que la wolframite se concentre dans les filons avec la columbotantalite. Ceci s’explique par une teneur en W solide inférieure à la teneur du W dans le liquide silicaté. De plus, une teneur élevée en Cl et F dans le liquide défavorise la concentration du tungstène.

L’explication de l’absence de cassitérite dans le granite de Beauvoir n’est pas aussi simple que pour la wolframite. On sait que Sn est transporté sous forme Sn2+ et qu’il cristallise sous forme Sn4+. Les conditions d’oxydo-réduction influencent l’apparition de SnO2. L’absence de Sn dans le granite de Beauvoir s’explique par une Fugacité en O2 trop forte. En général, les granites spécialisés ont une fugacité en O2 faible, preuve de la mise en place en milieu réducteur. Un tel milieu se caractérise par la présence d’ilménite (Fer sous forme réduite).
Or à Echassière, le granite de Beauvoir ne contient pas d’ilménite. Le rapport FeO/Fe2O3 baisse lorsque que l’on augmente la spécialisation; Fe2O3 (forme oxydée) est donc prépondérant au fur de l’enrichissement en éléments volatiles dans le granite. Cette forte fugacité en oxygène expliquerait la cristallisation de Sn dans le magma ; c’est pourquoi on trouve surtout la cassitérite sous forme de mouches dans le granite et plus rarement en cristaux bien individualisés. LACROIX ne citait en effet la cassitérite que sous forme millimétrique. Quelques échantillons centimétriques dans des petites géodes de quartz et de lépidolite ont été trouvés.

Des échantillons ont été trouvés dans le fond de la carrière. Un filon de pegmatite a livré des plaques de muscovite de plus d’une dizaine de cm. La plupart des cristaux présentent la macle en bec d’étain. Si leur taille ne les rend pas intéressantes, elles sont par contre très brillantes.


Economie minière du gisement.

Les réserves du gisement sont estimées à plus de trente ans avec 40 millions de tonnes de réserves. Le chiffre d’affaire de la SKB est de 25 millions de francs en étant axé sur le kaolin et ses sous-produits comme la cassitérite. Même si la cassitérite n’est pas une substance concessible, elle est tout de même exploitée en tant que sous-produit et tient un rôle important dans l’économie du gisement.
Quatre qualités de kaolin sont commercialisées selon leur teneur en fer donc leur pureté.

Certaines substances ne sont pas valorisées ; c’est le cas des 50000 t de lithium sous forme Li2O contenus dans les lépidolites du gisement. Cette substance est généralement exploitée et vendue sous forme d’amblygonite dans les autres gisements producteurs . Ainsi c’est le lithium de production américaine que l’on trouve sur le marché car les verriers, utilisateurs de lithium et de beryllium ne veulent pas changer leurs méthodes de transformation qui utilisent l’amblygonite et la phénacite (Be).

De même, 1800 t de tantale dans la tantalite, 3000 t de BeO contenus dans l’Herdérite (Be Ca PO4 (F,OH)) ainsi que 3 millions de tonnes d’albite ne sont valorisées.


Conclusion

La richesse minéralogique de ce gisement n’est plus à prouver mais comme la plupart des sites, leur accès est réglementé ! L’entrée est effectivement interdite sauf autorisation exceptionnelle. Ceci s’explique par des soucis de sécurité qui sont réels ; le danger ne se manifeste pas ici par des éboulements dus à des gradins trop instables mais surtout dans le fond de la carrière où une zone est constamment noyée. Le kaolin constitue à ce niveau un véritable danger.

Guillaume Mazankiewicz

Il est à noter que le site d'Echassières a été ajouté à SPATHFLUOR.COM car il existe un rapport étroit avec la fluorine. En effet, lors des dernières recherches, une plaque de quartz fumé avait été trouvée. Celle-ci reposait sur une gangue de kaolin assez dur, et un traitement chimique nous permit de découvrir l'envers de la cristallisation :

Tout comme à Valzergues ou au Kaymar, des empreintes de cubes sont présentes. Cela signifie donc la présence ancienne d'un minéral cubique qui a été dissout, et qui aurait été de la fluorine.


Mais la particularité ne s'arrête pas là : Les empreintes présentent des "babels quartz" (voir "La Mine de Fluorine de Valzergues" - p 182).
Aussi, la conclusion qui nous vient à l'esprit est que de la fluorine a existé dans ces terrains (existerait-elle encore?) et à subi une altération qui n'a laissée que ses empreintes.

Etienne Guillou

 
Haut de page
This mineralogical site is located on private ownerships. It can still be covered by a mining title. Anyway, these pages cannot be an authorization or an incentive to collect mineralogical sample there.

Respect the mineralogical sites and you will be respected.

edelweis web concept
E. Guillou-Gotkovsky© 2000-2017
4/12/09