Les fluorines du secteur de Néris
les bains
Contexte
géographique et géologique
Néris
les bains est une petite ville thermale située dans le département
de l'Allier surtout connue pour ses vestiges gallo-romains plûtot
que pour ses gîtes minéraux. Ce secteur est à rattacher
avec le bassin houiller de Commentry datant du stéphanien moyen
et supérieur. Ce secteur, composé de schistes, grès
et conglomérats avec charbon, a été le lieu d'une
exploitation intense depuis 1818 par N RAMBOURG puis par H FAYOL de 1880
à 1918 jusqu'à la fermeture vers 1950.Le bassin houiller
de Commentry est réputé pour la découverte de fossiles
exceptionnels telle la célèbre libellule de 80cm d'envergure.
A proximité des nombreux gisements de charbon, on connaît
la présence de fluorine ; c'est pourquoi des prospections ont été
engagées dans ce secteur pour " vérifier " la
corrélation entre présence de fluorine et bassin houiller.
C'est en fait à la faveur d'accidents majeurs du socle liés
à l'ouverture de bassins de sédimentation que les circulations
hydrothermales se sont produites.
Dans le secteur de Néris-les-Bains (son nom est évocateur
en ce qui concerne les circulations de fluide), la fluorine est citée
dés 1887 par H. FAYOL , exploitant des mines de charbon de Commentry,
ainsi que L. de LAUNAY qui signale en plusieurs endroits la présence
de fluorine y compris dans les puits thermaux.
Sur
la carte géologique, la fluorine est notée en différents
lieux aux environ de Néris. Tous ne sont pas porteurs de minéralisations
et certains indices redécouverts en 1988 sont désormais
bien difficiles à retrouver
La principale occurrence de fluorine se trouve à proximité
des " Fougerettes ". C'est un filon fluoré d'une puissance
parfois métrique qui n'a comme intérêt que l'observation
des zonations du filon. La fluorine a ici été utilisée
en tant que pierre décorative.
Les autres indices sont minimes mais ont participé à la
découverte d'un nouveau gîte en 1999 en se basant sur la
géologie structurale des diverses minéralisations observées.
L'encaissant
de ces filons fluorés est un ensemble de monzogranite (granite
avec une proportion égale de quartz, feldspath que de biotite et
de granodiorite) souvent à tendance porphyroïde (présence
de cristaux plus gros de feldspath). L'ensemble apparaît localement
très fracturé et altéré. C'est dans ces zones
propices que la recherche de minéralisations doit se faire. On
remarque la présence de nombreuses failles à l'échelle
de la carte géologique et surtout une faille majeure dite "
faille du Cher " où l'on observe en bordure une zone cataclasée
. A cet endroit le granite est très altéré, localement
blanchit par l'action des fluides hydrothermaux (altération des
feldspath) qui ont déposé les minéralisations de
fluorine. C'est dans ce contexte que la fluorine est la plus visible.
L'observation de minéralisations est possible au lieu dit "
Moulin Réty " à l'aval du barrage de Néris-les-Bains.
A la faveur d'une ancienne carrière aménagée en petite
mare, on observe localement des traces de fluorine assez foncée
en filonnets infra-centimétriques qui s'entrecroisent sans donner
pour autant des ouvertures propices aux minéralisations.
La
plupart des filonnets de fluorine ont une direction NW-SE, à l'instar
des filons de lamprophyres et d'aplites. La zone filonienne se situe globalement
au sud du bassin houiller de Commentry et montre des filons parallèles
entre eux. Montigny, Les Triers, les Billoux, Cerclier et les Côtes
Rousses sont les plus apparents ; il faut signaler la présence
d'uranium aux Côtes Rousses où une veine de fluorine de 20cm
de puissance à été reconnue par sondage vers 1960.
Origine
de la découverte
Les
prospections engagées ont mis à jour des fluorines très
sombres, variété antozonite, qui s'explique par la présence
d'uranium comme aux Côte Rousses. L'encaissant est très hydrothermalisé
; le granite est décoloré, affecté par de nombreuses
diaclases orientées pour certaines N160°. C'est dans l'une
d'elles que des pièces cristallisées ont été
découvertes.
La fracture ouverte ne dépassait pas 2cm pour une profondeur de
40cm et une extension de 1,2m. Le phénomène d'hydrothermalisation
était ici bien visible ; on observait une zonalité à
proximité des minéralisations. Le granite le plus éloigné
de la fente cristallisée était compact à grain assez
fins. Plus on se rapprochait de la fente, plus le granite était
clair. Enfin, à proximité de la faille, une zone de bordure
millimétrique très oxydée de couleur ocre délimitait
la zone de contact entre le granite et les cristallisations. C'est pourquoi
certaines pièces étaient presque détachées
de la gangue et donc plus faciles à extraire.
En effet la fente minéralisée était composée
d'une fine assise quartzeuse (l'épaisseur était réduite
localement à 2mm) ce qui rendait les pièces délicates
à saisir. Cela explique la taille réduite de certaines pièces.
Les
minéralisations
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La
faible largeur de la fente minéralisée explique l'absence
de pièces de taille importante. La pièce majeure atteint
15cm x 7cm, mais les pièces courantes sont d'environ 5 x 2cm,
voire de taille inférieure. Ceci s'explique également
par la faible gangue quartzeuse ainsi que par l'action d'une fracturation
postérieure au dépôt des minéralisations.
La majeure partie des pièces moyennes étaient amalgamées
dans une matrice argileuse très fine qui a eu pour rôle
de protéger les cristaux de fluorine en dépit de la
largeur restreinte de la fente. Ces petites pièces se trouvaient
au centre de la fente lorsque celle ci s'élargissait.
Une dizaine de pièces majeures ont été extraites
dans ce contexte ; le reste des minéralisations provient des
épontes du filonnet.
Le
quartz
Il
constitue l'assise des plaques de fluorine. Les cristaux de quartz
sont plutôt laiteux et millimétriques. Certaines assises
sont constituées d'un enchevêtrement de crêtes
quartzeuses finement cristallisées où se sont déposées
les fluorines. On remarque la présence de petites cristallisations
de pyrite altérée millimétriques qui complètent
la paragenèse.
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La
fluorine
La
particularité de cette découverte réside dans la
couleur très soutenue de ces fluorines. La couleur violette intense
virant au violet très foncé sur les arêtes des cubes
contribue avec le quartz au contraste des pièces ce qui les rend
esthétiques. Les faces des cubes sont finement polysynthétiques,
ce qui explique une légère retenue au niveau de la brillance.
On observe une zonation des cubes avec un centre incolore, une zone
violette vers la périphérie des cristaux et une couleur
intense pour les zones terminales. Cette coloration est due à
la présence d'ions fluorures non liés. Ce résultat
est dû à l'action de radiations émises par les composants
intrinsèques de la roche comme la présence d'uranium lors
de la croissance des cristaux Cette variation des propriétés
physiques des cristaux est principalement visible au niveau de la couleur.
De telles interactions uranium/fluorine sont fréquentes dans
le secteur de Néris-les-Bains comme par exemple à la carrière
de Thizon.
La taille des cubes ne dépasse pas 1,2cm et ce sont généralement
les cristaux les plus gros (à partir de 3mm) qui montrent une
intensité maximale de la couleur. Certains cristaux apparaissent
violets clairs avec un centre fantôme plus foncé. Les cubes
sont soit jointifs soit isolés sur la gangue quartzeuse ce qui
augmente le contraste.
Guillaume Mazankiewicz
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