INTRODUCTION
Depuis
quelques temps, vous avez sans doute remarqué sur différentes
bourses des fluorines assez spéciales. Encore un petit coin auvergnat
qui se fait connaître !
Tout commence par quelques lignes bien écrites et voilà
que le gisement devient tout d'un coup intéressant ; démarche
habituelle.
Ces
petites fluorines à la cristallisation si particulière proviennent
d'une carrière de granulats située à Buxières-les-Mines
dans le département de l'Allier.
D'apparence
paisible, la carrière ressemble vite à Cayenne avec son
bagne si célèbre. Masse, barre à mine et bonne suée,
voilà les ingrédients nécessaires pour préparer
une sortie dans ce gisement.
GEOLOGIE
Vue du front de taille
de la carrière en 1996
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La
carrière de Buxières-les-Mines se situe en bordure du
bassin houiller de l'Aumance datant du permien (en marron sur la carte
géologique).
D'un point de vue lithologique, on distingue plusieurs assises ; le
permien est ici représenté par 2 assises (les schistes
de Buxières et les arkoses de Renière) ; ces formations
reposent directement sur le socle métamorphique et granitique.
La partie orientale de la carrière a été ouverte
au niveau d'un contact entre un granite et une migmatite. Le granite
contient des mégacristaux d'orthose rose ce qui lui confère
le nom de granite porphyroïde noté pg3-4..
La roche hôte est dure, sombre et résiste bien aux assauts
répétés d'un simple marteau.
La migmatite notée M sur la carte géologique reste néanmoins
la roche la plus visible dans la carrière. Cette roche métamorphique
qui provient de la fusion partielle d'une roche initiale contenant
de la cordiérite (probablement un granite ou un gneiss à
biotite) est donc une anatexite à cordiérite.
La roche est donc très dure et ne livre pas aisément
ses minéralisations!
La cordiérite, minéral commun dans les roches granitiques,
apparaît dans les anatexites sous la forme de nodules verdâtres
; rien à voir avec les cristaux de cordiérites de certains
affleurements auvergnats. |
Filon à fluorine
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De
la fluorine à Buxière, pourquoi ?
La
présence de fluorine à proximité d'un bassin houiller
n'est nullement fortuite car on observe cette relation dans de nombreux
gisements.
D'un point de vue lithologique, il faut distinguer plusieurs types de
gisements de fluorine ; ceux du Massif Central sont le plus souvent des
filons encaissés dans le socle où la minéralisation
ne subit pas de contrôle lithologique (mise en place liée
à une spécificité de la roche hôte) mais au
contraire un contrôle structural par la proximité.
Il peut s'agir de la proximité de grandes dislocations tardi-hercyniennes
(la Barre), de la couverture Triasico-Liasique (Fontsante, Avellan) ou
de bassins houillers.
C'est cette dernière catégorie qui nous intéresse
: de tels gisements sont nombreux !
Puy-St-Gulmier
? Le Beix : bassin de Brassac (63)
Valzergues : bassin de Décazeville (12)
Youx : bassin de St-Eloy-les-Mines (03)
Les Côtes-Rousses : bassin de Commentry (03)
Marsanges : bassin de Langeac (43)
Le Burc-Montroc : bassin de Carmaux (81)
Les circulations hydrothermales à fluorine seraient dues à
un drainage par des fractures ouvertes dans le socle donc l'hypothèse
de la formation " per-descensum " des minéralisations
pour certains gisements. Leur mise en place ne se fait pas dans les mêmes
fractures que celles des bassins houillers mais plutôt lors d'accidents
majeurs du socle liés à l'ouverture de bassin de sédimentation
(certains donneront des bassins houillers) à la faveur d'une décompression
régionale au niveau des horst (zones surélevées).
C'est un peu le même phénomène qu'avec les barytines
de Limagne. La fluorine et le quartz se déposent par contre plus
en amont vers l'intérieur des horsts.
La phase minéralisatrice serait synchrone de la pénéplenation
antétriasique ; les eaux superficielles participant à l'altération
météoritique sur la pénéplaine seraient drainées
vers les fractures du socle ouvert par une distention, le long d'accidents
régionaux en direction des fossés tectoniques (ici le bassin
de l'Aumance).
Les minéralisations concernées sont donc issues de solutions
hydrothermales injectées à proximité de grandes fractures
dans le socle.
Ceci
se vérifie sur le terrain mais n'est visible nettement que depuis
quelques années au fur et à mesure de l'exploitation.
DESCRIPTION DE LA CARRIERE
Au
fil de l'exploitation, une faille de 4-5m de large se dessine sur le front
de taille et sépare la carrière en 2 zones dans sa partie
médiane Cette grande fracture de direction globale N-S et de pendage
important se distingue nettement par sa nature argileuse de couleur verte
à ocre ce qui tranche nettement avec l'aspect sombre de la migmatite.
La faille n'est malheureusement pas minéralisée mais a du
servir de drain pour les solutions minéralisantes ; il faut donc
rechercher les fluorines près de cette cassure !
Après avoir pratiqué le gisement depuis plusieurs années,
la récente extension de la carrière vers le sud-est permet
de comprendre pourquoi la fluorine est si rare dans la partie droite de
l'exploitation. La zone filonienne est constituée d'une multitude
de petites diaclases qui, quand elles se croisent, montrent des minéralisations
intéressantes. De
direction NE-SW, les fractures buttent contre la faille argileuse qui
est un véritable obstacle pour l'exploitation en raison de son
instabilité et de sa non rentabilité.
On remarquait quelques indices à droite de la faille dans la partie
la plus orientale de la carrière ce qui permet de penser au schéma
suivant.
La
grande faille pourrait être une faille décrochante dextre
qui affecte le champ filonien en le décalant . Retrouver les filons
identiques à droite et à gauche de la faille permettrait
de confirmer cette solution mais bonjour les comparaisons !
Deux poches cristallisées adjacentes
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Placage de fluorine en boule
(in situ, longueur 25 cm)
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Les
nombreuses diaclases et les tirs de mine qui les décalent rendent
le front de taille assez dangereux. L'instabilité de certains blocs
ne vous saute vraiment aux yeux que lorsque vous êtes en dessous
Les fractures sont très visibles et la couleur assez grise de la
zone hydrothermalisée est évidente. Des filons quartzeux
intersectent localement les filons minéralisés. C'est bien
sûr à cet endroit précis qu'il faut faire usage de
ces forces ! Il arrive parfois que les poches soient assez importantes
pour trouver des pièces libres entièrement recristalisées.
La plupart des filons ont une ouverture restreinte de 5 à 15cm
de large en moyenne. Quelques anciennes fractures exceptionnelles faisaient
tout de même 1m de large par 3m de haut..
LES MINERALISATIONS
LA FLUORINE
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Le
minéral le plus abondant est sans conteste la fluorine. La
particularité de ce gisement revient à la présence
de fluorine globulaire qui est en fait un assemblage particulier
de petits cubes.
Les cristallisations sont en fait très diverses ; on observe
en effet de nombreux intermédiaires entre le cube, l'octaèdre,
le dodécaèdre jusqu'à obtenir une sphère.
Des cristallisations en tête de clou existent mais sont plus
rares.
Les cubes ne sont jamais très gros, souvent inférieurs
à 5mm. Leur couleur varie du jaune au violet avec des fantômes
à 45° dans certains cristaux ; les octaèdres sont
généralement verts avec parfois des dodécaèdres
aux sommets des arêtes. |
La
couleur des fluorines globulaires est généralement violet
clair et le diamètre ne dépasse pas 1.5cm.
Entre voir des cristaux et repartir avec, il y a bien une petite différence
! c'est une question de persévérance. La fluorine repose
directement sur un tapis de quartz millimétriques blanc laiteux.
Les
sphères sont soit individualisées soit forment des placages
mamelonnés qui peuvent atteindre le mètre. De telles pièces
sont actuellement bien difficiles à trouver et ne reflètent
que la richesse des années 80 lorsque l'exploitation n'avait
pas encore dépassé la faille vers le sud.
LA BLENDE
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La
blende est l'un des minéraux associés à la
fluorine. De forme assez complexe, certains cristaux sont maclés,
leur couleur devient plus foncé avec la taille ; cette dernière
n'excède pas 9mm et vous la trouverez surtout sous forme
de mouchetures. |
LA PYRITE
La
pyrite vient compléter la paragénèse. Elle se présente
surtout en saupoudrage sur le quartz, la fluorine ou la blende ; les
cristaux sont rares, sauf ceux provenant d'anciennes récoltes
déversées dans la carrière pour tromper qui ? On
se demande. Il existe bien d'autres gisements pour en trouver de la
pyrite !
LA
BARYTINE
La
barytine est dans ce gisement assez remarquable par sa couleur miel
et sa cristallisation qui oscille entre des tablettes et des cristaux
plus trapus. Elles ne sont pas très brillantes mais restent tout
de même esthétiques. Des cristaux centimétriques
par centaines, voilà ce qui tapissait les épontes d'une
faille énorme pour le secteur (6m de long sur 80cm de large).
La zone étant plutôt instable, vous me pardonnerez l'absence
de photo !
LA GALENE
Cube de galène
arêtes de 1 cm
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Les
cristaux de galène sont assez rares ; aucune trace de ce
minéral depuis 1997.
Les cristaux sont généralement assez petits (3mm)
et peu brillants.
J'ai
trouvé quelques cristaux dépassant 6mm sous la forme
de cubes tronqués, toujours isolés mais assez brillants.
On les trouve plutôt associés à la calcite
et à des petits quartz ; on note sur de telles pièces
des vides cubiques qui ne sont que l'empreinte d'anciens cubes
de galène ou de fluorine destabilisées ; ce sont
donc des boxworks. Les galènes semblent être antérieures
à la calcite. Cela reste un minéral accessoire tout
comme la blende.
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LA
CALCITE
La
calcite forme localement des agrégats en choux-fleurs d'ordre
centimétrique ; bref c'est de la calcite. Il faut dire que les
nombreux coups de masse nécessaires pour casser la roche viennent
à bout des cristaux. Il vaut mieux trouver les pièces
libres dans les fentes (plus facile à dire qu'à faire).
La taille moyenne des agrégats en choux fleur atteint 2cm.
Les grandes découvertes ne sont jamais fréquentes et se
font la faveur de tirs de mines plutôt aléatoires (disons
une période annuelle) ou d'une prospection systématique
en paroi qui demande de la vigilance et de l'inconscience.
C'est à proximité de la faille argileuse que de nombreux
" cailloux " se détachent de temps en temps. L'action
gel-dégel ne fait qu'amplifier ce phénomène.
La
diversité des minéralisations est possible grâce
à de nombreuses petites fractures centimétriques où
chaque association est bien particulière.
Au contact direct de la faille argileuse, une fracture quartzeuse sert
de repère. Un second filonnet à fluorine globulaire jaune
avec des recristallisations sera également très utile
pour retrouver les indices précédents après chaque
avancée du front de taille.
Les
zones avec calcite sont désormais ensevelies dans la partie NW
de la carrière, zone remblayée depuis 1996.
CONCLUSION
L'une
des certitudes à Buxières-les-Mines, c'est de trouver de
fluorine mais de belles pièces...
D'autres se sont vite emballés lors des découvertes mais
le nettoyage révèle souvent de mauvaises surprises ! Les
recristallisations secondaires de fluorine sont fréquentes et laissent
une pellicule blanchâtre peu esthétique sur les cristaux
qui n'apparaît qu'après séchage complet. C'est bien
dommage.
Pour avoir pratiqué le site depuis les années 80, des pièces
restent à trouver mais la zone propice se restreint après
chaque tir de mine car la limite de concession de l'exploitation à
l'ouest et la grande faille délimitent une petite zone que l'on
aimerait bien plus vaste.
Guillaume Mazankiewicz
Photo
Micromineral Market.
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